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Extrait N°1 Prologue (Point de vue de Frédéric)

Je n'ai jamais rien fait comme tout le monde et je peux donc vous dire que mon choix de carrière n'a pas vraiment fait l'unanimité auprès de mes parents. J'ai été élevé dans le luxe et l'opulence, mais j'ai toujours rejeté toute cette superficialité dans laquelle mes géniteurs n'ont eu de cesse de vouloir m'enfermer. Pourtant, lorsque j'ai intégré l'école de police – pour suivre les traces de mon paternel –, ils ont accepté mon désir sans discuter. Seulement, tout s'est gâté quand je leur ai dit que j'arrêtais. La discussion s'est avérée plutôt houleuse pour finalement s'envenimer quand je leur ai appris que je voulais devenir détective privé. Ils ont tenté par tous les moyens de m'en dissuader, car ils estimaient que ce n'était pas un métier assez prestigieux. Mon père – commissaire divisionnaire de son état – m'a donc posé un ultimatum : soit je retrouvais la raison et je reprenais ma formation, soit je n'étais plus le bienvenu dans la maison qui m'avait vu grandir et il me coupait les vivres.
Je n'ai pas besoin de vous préciser quelle a été ma décision. J'ai emballé mes affaires et je suis parti. Leur argent, je n'en avais que faire, ils pouvaient se le garder. C'est donc comme ça que j'ai atterri sur le pas de la porte de mon meilleur ami : Antoine.


Extrait N°2 * Chapitre 1 (Point de vue d'Estelle)

— Oh merde ! C’est vrai, on est le vingt et un !
— Oui, c’est souvent le cas après le vingt, lui réponds-je du tac-o-tac et plus sèchement que voulu.
Il relève ses prunelles, qui ont retrouvé leur gaieté, sur moi et me demande :
— Un problème Estelle ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu as mangé du lion ce matin pour ton petit déjeuner ?
Son hilarité me fait littéralement sortir de mes gonds et je l’apostrophe de façon plutôt virulente.
— Et toi ? Tu n’en as pas marre de le lancer des signaux sans jamais aller au bout de tes actes ?
— Attends une minute, ma belle ! Je crois que j’ai dû rater un épisode ou deux. De quoi parles-tu ?
Oups, je crois que j’en ai trop dit, mais maintenant il est trop tard et il faut que j’aille jusqu’au bout. Je prends une grande inspiration et ouvre les vannes :
— En fait, j’ai juste l’impression que je suis complètement transparente à tes yeux, que tu luttes en permanence pour ne pas craquer et de n’être finalement pas assez bien pour toi. Que faut-il que je fasse pour que tu daignes t’intéresser à moi autrement que comme une bonne copine ?
Je crois que j’y suis allée un peu fort, mais en même temps si je ne lui dis pas ce que je garde pour moi depuis bien trop longtemps, c’est la crise de nerfs assurée. Je ne peux m’empêcher de me replonger dans un passé finalement pas si lointain que ça.
J’ai fait sa connaissance à peine quelques jours après ma prise de poste au cabinet d’avocat d’Antoine. Jusqu’alors, je n’avais jamais cru au coup de foudre au premier regard. Tomber amoureuse d’un homme que je ne connaissais pas était bien la dernière chose que j’avais envisagée. Il m'a immédiatement attirée au-delà du raisonnable ; occupant toutes mes pensées. J’ai bien essayé de lutter contre les sentiments que je développais jours après jours pour lui, mais c’était trop dur et j’ai finis par me laisser envahir. J'ai aussi tenté – à de nombreuses reprises et par tous les moyens – de lui montrer qu'il ne me laissait pas indifférente. Il ne semblait pas le voir et cela me mettait en rage. Peut-être n’étais-je pas assez directe ? Pourtant, certaines fois, il me semblait bien qu'il remarquait mes tentatives d’approches qui devenaient de plus en plus évidentes, car certains de ses regards à mon endroit ne trompaient pas. Très vite je n’ai plus supporté tous ces non-dits et pire encore qu'il mette de la distance entre nous. Je voulais qu'il ouvre enfin les yeux avant qu'il ne soit trop tard, mais rien n’y faisait et il persistait à me voir comme une simple amie. J’ai voulu lui laissé une dernière chance d’enlever les œillères qu’il avait devant les yeux quitte à le bousculer un peu pour arriver à mes fins, mais rien n’y a fait. Il a fait semblant de ne pas comprendre où je voulais en venir et s’est borné à me traiter « presque » comme une petite sœur. Je me suis donc résignée et j’ai accepté l’amitié qu’il me proposait implicitement. C’était toujours mieux que rien.
Je reviens au moment présent et constate que seulement quelques secondes se sont écoulées. Il n’a toujours pas réagit et j’ai l’impression qu’il s’est transformé en statue de cire. Seuls ses yeux gris-bleu me jaugent et je vois une multitude d’émotions s’y refléter. Je ne suis plus très sûre et j’en viens à me demander si j’ai eu raison de lui dire tout cela, de lui ouvrir mon cœur.
Je secoue la tête et pense qu’il est temps que je prenne les rênes de notre histoire parce que si j'attends après lui, nous ne sommes pas prêts de former un couple un jour. Tout à coup, alors que je m’apprête à faire un pas vers lui, il me surprend en bougeant. Il avance vers moi et je vois clairement qu’il lutte. Il s’arrête devant moi. Je me demande bien ce qu’il va faire, mais suis stoppée dans mes réflexions par sa bouche qui se pose sur la mienne. Je suis incapable de faire un seul mouvement ni de répondre à son assaut et même si je suis ravie qu’il se soit enfin décidé, je ne cesse de me demander pourquoi cela lui a pris autant de temps. J’en suis là de mes pensées quand je sens ses lèvres quitter les miennes. Je me sens immédiatement aussi vide qu’un puit sans fond et mon trouble s’accentue quand il s’éloigne définitivement de moi en se dirigeant vers la porte. Il pose sa main sur la poignée, se retourne et dit d’une voix à peine audible et dans laquelle je perçois un léger trouble et du regret :
— Je dois y aller. Dis simplement à Antoine que je le verrais un autre jour.
Je le regarde partir en cherchant à comprendre son comportement, mais son attitude me laisse complètement perplexe. Plusieurs sentiments m’assaillent d’un seul coup : la joie, l’incompréhension, la haine et le plus fou de tous, l’amour. Comment puis-je être attirée par un homme aussi insensible et inconstant ? C’est à n’y rien comprendre. Pourquoi m’a-t-il embrassée si c’était pour se sauver comme un voleur l’instant d’après ? Je rejoins mon fauteuil et me laisse tomber dedans. Un élan de rage me submerge et je tape de mon poing sur mon bureau qui tremble sous le choc. Je m’accoude à mon bureau, me prends la tête dans les mains et reste prostrée dans cette position. Je sais que je dois être plus forte que cela, mais la digue de mes émotions se rompt et je me mets à pleurer sans pouvoir me retenir ni m’arrêter.


Extrait N°3 * Chapitre 2 (Point de vue de Frédéric)

Je lève un regard vers Estelle, mais elle est absorbée par l’écran de son ordinateur. Je me surprends à penser que j’aimerais bien être l’objet de cette attention. Stop Fred ! Ne t’engage pas sur ce terrain-là ! Tu vas te brûler les ailes. J’en suis là de mes réflexions quand je jette un dernier regard à l’heure. Il ne me reste plus qu’un quart d’heure d’attente, mais c’est trop pour moi. Tant pis pour mon rendez-vous avec l’avocat qui me sert d’ami. Je me lève, m’approche de la jeune femme et lui demande, en lui tendant une enveloppe :
— Tu pourrais donner ça à Antoine de ma part ?
— T’es assez grand pour faire tes propres commissions, me dit-elle d’une voix qui transpire une animosité certaine.
Je ne comprends pas pourquoi elle m’agresse de la sorte, enfin si, mais c’est plus fort que moi et ma question fuse :
— À quoi tu passes ton temps libre ?
Durant un court instant, elle semble déstabilisée par ma question, mais se reprend bien vite et me répond d’un ton acerbe :
— On ne t’a jamais dit que la curiosité était un vilain défaut ?
— J’ai trouvé, tu aiguises tes griffes !
— Et toi ?
— Quoi moi ?
— Comment t’occupes-tu ?
Elle ne me laisse pas le temps de réfléchir et m’invective d’une voix dure et légèrement venimeuse :
— Je sais. Tu allumes les filles et ensuite tu te barres sans rien dire, non ?
Sa répartie me cloue le bec et je ne trouve rien à lui répondre. Je sais maintenant qu’elle m’en veut et même si je la comprends, je ne peux m’empêcher de songer que je ne lui ai rien promis. Ce n’est pas de ma faute si elle a tiré des plans sur la comète.
— Ton absence de réponse me prouve bien ce que je pensais, dit-elle en se plantant devant moi les bras croisés sur sa poitrine. Ses yeux me lancent des éclairs, mais au-delà de m’impressionner cela m’amuse plutôt.
— Va jusqu’au fond de ton raisonnement, dis-je en laissant un sourire légèrement mesquin se dessiner sur ma bouche.
Sans que je ne le voie venir, deux choses se produisent simultanément. La porte s’ouvre sur Antoine et la main d’Estelle entre violemment en contact avec ma joue. Le bruit de la gifle résonne dans ma tête et dans la pièce. La douleur est cuisante et je sens la chaleur se répandre dans mon visage. Je suis sous le choc. Je ne me doutais pas qu’elle cachait autant de force dans un si petit corps. Elle me tire de mes réflexions en avançant encore pour me cracher au visage cette petite phrase assassine :
— Va te faire foutre !
Elle s’éloigne de moi, mais j’ai le temps d’apercevoir une larme rouler sur sa joue qu’elle essuie d’un geste rageur avant d’aller récupérer son sac à main et de s’enfuir en courant par la porte restée ouverte. Je tourne la tête et tombe sur mon meilleur ami qui me regarde bouche bée. Je sais, rien qu’au regard qu’il me lance, que je ne vais pas y couper et que le temps des explications est venu.


Extrait N°4 * Chapitre 3 (Point de vue d'Estelle)

Une nouvelle semaine commence pour moi et comme je m’y attendais, un bouquet m’attend devant la porte du cabinet. Il est composé de roses rouges à très grosses fleurs auxquelles lui sont associées des callas pourpres, presque noirs, qui en font ressortir le velours profond. Je ne saurais l’expliquer, mais il me rend mal à l’aise. Je me baisse pour le ramasser et, dans ma précipitation à me relever, la carte qui l’accompagne tombe. Cette dernière va s’échouer sur la première marche des escaliers. Je tends la main pour m’en saisir, mais elle s’envole à cause d’un courant d’air et va atterrir sur le palier inférieur. Mince ! Tant pis, j’entre dans le bureau avant d’aller poser le bouquet sur le comptoir de l’entrée. Je retourne sur mes pas, vais récupérer l’enveloppe qui git toujours par terre et ce n’est qu’une fois installée à mon poste de travail que je l’ouvre. J’aurais dû m’en douter. Le bristol n’est pas signé, mais une lettre « I » est tracée à l’encre rouge foncée dans le coin inférieur droit. Tout ça commence sérieusement à m’inquiéter. Qui m’envoie ça ? Que veulent dire ces lettres ?

Extrait N°5 * Chapitre 3 (Point de vue d'Estelle)

Je suis tellement prise par ma lecture que je sursaute en entendant la sonnette retentir. Je relève la tête et vois la porte d’entrée s’ouvrir sur un homme. Il a des cheveux bruns ébouriffés. Il est grand et élancé. Son visage fin fait ressortir ses prunelles bleues nuit on ne peut plus troublantes. Il est élégant et très beau, voire un peu trop. Il le sait indéniablement, car le sourire entendu qu’il me sert me donne l’impression qu’il a remarqué que je l’ai détaillé. Il me dévisage et je dois dire que l’intensité de son regard me met mal à l’aise. J’ai la sensation de l’avoir déjà vu, mais je n’arrive pas à me souvenir où. Je baisse la tête pour reprendre une constance plus professionnelle. Je sais qu’il m’observe toujours, car je sens qu’il a toujours ses yeux braqués sur ma personne. Je prends une grande inspiration, focalise mon attention sur lui et lui demande :
— Que puis-je pour vous ?
Il se contente de me fixer sans ne répondre à ma question. Il commence sérieusement à m’effrayer. Il doit ressentir mon malaise, car il ferme ses paupières un instant avant de me dire :
— Je viens voir Maître de Filippi.
— Vous avez rendez-vous ?
— Oui, me dit-il simplement.
— Et vous êtes monsieur...
— Grégory Smith.
Je retiens un sursaut quand j’entends son nom et que je finis par me souvenir enfin de lui. Je ne peux retenir un frisson qui ne passe pas inaperçu. Cet homme me terrifie littéralement. Je n’arrive pas à le lui cacher et un sourire machiavélique se dessine sur son visage. Alors que je saisis le téléphone pour prévenir Antoine que son client vient d’arriver, mes mains se mettent à trembler violemment. J’essaye tant bien que mal de cacher mon trouble, mais quand l’avocat décroche je ne peux empêcher ma voix de vaciller.
— Votre rendez-vous de quatorze heures trente vient d’arriver.
— Faites-le entrer !
Je repose le combiné lentement et me lève pour guider l’individu dans la pièce adjacente. Je sens son regard se promener sur mon corps comme des millions d’aiguilles qui essayent de me transpercer. La sensation est au comble du désagréable et je tente tant bien que mal de ne rien laisser transparaître. Je ne dois surtout pas lui montrer qu’il me terrorise. Après avoir refermé le battant de bois sur lui, je vais m’enfermer dans la salle de bain privée du cabinet. Il faut que je me ressaisisse. L’opération n’est pas aisée, mais après m’être aspergé plusieurs fois le visage d’eau fraîche, je me sens un peu mieux.

Extrait N°6 * Chapitre 4 (Point de vue de Frédéric)

Toutes mes pensées se bousculent dans ma tête et j’en suis là de mes réflexions quand un coup frappé à ma porte me sort de ma torpeur. Je regarde ma montre et constate qu’il est presque vingt-deux heures. Qui peut bien venir me déranger à cette heure-là ? Alors que je me lève, sans entrain, la personne s’acharne sur le battant de bois. Agacé, j’ouvre vivement la porte et vois une jeune femme devant moi. Elle est de taille moyenne et ne dépasse pas le mètre soixante-cinq. Elle est musclée, mais sans excès et garde toutefois sa féminité grâce à sa taille mince et ses jambes galbées. Elle a le teint pâle – comme toute rousse qui se respecte – et son visage rond aux traits fins est entouré d'une épaisse masse de cheveux bouclés, dont une mèche rebelle tombe sur le côté droit de son visage. Ses yeux fins en amandes et verts font penser à la couleur des vallées d’Irlande. Elle a du charme et sait parfaitement en faire usage quand elle retrousse ses lèvres longues et charnues recouvertes de brillant à lèvres.
— Ambre ? Que fais-tu là ? lui demandé-je surpris.
Elle ne me répond pas, entre dans mon appartement et va s’installer dans le fauteuil que j’ai quitté quelques secondes plus tôt. Je la regarde prendre ses aises avant qu’elle ne finisse par me dire :
— Bonsoir, mon cousin préféré.
Aïe, je le sens mal ! Quand elle commence comme ça, c’est qu’elle a quelque chose à me demander et je sais d’avance que ça ne va pas me plaire. Je m’apprête à ouvrir la bouche, mais elle me devance en me disant :
— On va s’épargner des supplications inutiles parce que je sais que de toute façon, tu vas finir par accepter.
Elle n’a pas vraiment tort. Je la considère comme ma petite sœur et je ne peux rien lui refuser. Je n’ai jamais su lui résister et cette chipie sait parfaitement faire vibrer la corde sensible pour me faire accepter n’importe quoi.
— Je dois aller à une soirée de charité, mais je n’ai pas de cavalier et... j’ai pensé à toi.
— C’est trop d’honneur ! Vraiment, il ne fallait pas ! Et je peux savoir, où est-ce que tu veux que je t’emmène ?
Elle semble tout à coup mal à l’aise et je crois deviner ce qu’elle va dire. Je la devance avant qu’elle ne reprenne la parole :
— Tu ne peux pas me demander ça. Tu sais très bien que je ne veux pas remettre les pieds là-bas.
— Même pas pour moi ? me demande-t-elle en me faisant son regard de chien battu auquel elle sait pertinemment que je ne peux pas combattre.
— Tu n’es pas fairplay ! soufflé-je résigné.
Elle se lève d’un bond, comme si elle était montée sur ressorts et vient se jeter dans mes bras. Je lui ai encore cédé. Je suis vraiment trop faible, mais bon je ne peux pas la laisser y aller seule. Je dois lui sauver la mise. Bien que ça soit peu probable, j’espère que mes parents ne remarqueront pas ma présence trop tôt.
— Et c’est quand cette petite sauterie ?
— Euh ! Demain soir, me lance-t-elle en me regardant dans les yeux.
— Je vois. Tu aurais quand même pu me prévenir plus tôt.
— Non, parce que tu aurais trouvé le moyen de te défiler. Elle me connaît vraiment trop bien.


Extrait N°7 * Chapitre 4 (Point de vue de Frédéric)

Quand j’arrive chez Ambre et qu’elle m’ouvre la porte, je suis époustouflé par sa beauté. Elle porte une superbe robe de soirée bustier, longue, en mousseline composée de volants multicolores. Cette robe, très élégante et dynamique, fait ressortir le bonheur et la joie de vivre de ma cousine par sa composition harmonieuse de couleurs chatoyantes. Le bustier cache-cœur met son décolleté en évidence et dévoile la sensualité de ses épaules et de son dos dénudé. La tenue de la jeune femme qui me fait face est pétillante par ses couleurs, mais aussi par son style et par la broche en strass placée au niveau de sa hanche droite. Affinée au niveau des hanches pour faire ressortir la féminité de sa silhouette, la robe de soirée se prolonge en une jupe longue aérienne constituée de volants superposés avec des teintes mêlant du bleu, du turquoise et du vert. Elle a agrémenté sa toilette de très jolies sandales argentées à hauts talons métalliques. Cela donne un ensemble harmonieux rafraichissant et classieux qui, j’en suis certain, charmera tout le gratin de la petite « sauterie » de mes parents.

Extrait N°8 * Chapitre 4 (PDV Frédéric)

Alors que nous sommes arrivés depuis environ une heure, le carillon de la porte d’entrée retentit. Je ne sais comment l’expliquer, mais j’ai un étrange pressentiment. J’ai l’impression que la personne qui va apparaître sur le seuil ne m’est pas inconnue. L’air ambiant s’électrifie tandis que je sens les poils de mes bras se hérisser. Je n’ose pas me retourner, cependant lorsque Ambre pose sa main sur mon poignet, mon malaise s’intensifie et je sens un frisson remonter le long de mon dos. Elle m’enjoint à faire volteface et là, je reste bouche bée devant l’apparition qui se trouve à moins de cinquante mètres de moi. Nos yeux se croisent et les prunelles d’Estelle se verrouillent aux miennes. Après plusieurs minutes, je parviens à détacher mon regard de son visage et la détaille des pieds à la tête. Elle porte une jolie petite création en taffetas gris foncé qui présente quelques brillances sur un bustier en forme de cœur. Cette courte robe du soir est légèrement plissée et cintrée à la taille, ce qui met en valeur le côté bouffant du bas qui s’arrête juste au-dessus de ses genoux. Elle est si élégance que je n’arrive pas à la quitter des yeux. Sa tenue est magnifiquement complétée par une paire de Louboutin grise pailletée aux talons fins. La hauteur vertigineuse de ses chaussures lui donne une allure gracieuse et légère. Je suis subjugué par sa beauté et par ses jambes qui semblent interminables.

Extrait N°9 * Chapitre 4 (Point de vue de Frédéric)

— Tu es splendide Ambre ! dis-je en la prenant par la main et en la faisant tourner sur elle-même.
— Toi aussi cousin, me répondit-elle en souriant et en me fixant d'un air entendu.
— Pourquoi me regardes-tu comme ça ?
— Je suis juste surprise.
— Ah bon ? m’étonné-je.
— J’aurais pensé que tu jouerais la provoc’. En fait, je m’attendais presque à ce que tu arrives dans une tenue décontractée.
— Figure-toi que j’y ai pensé, mais je ne voulais pas te faire honte ; alors j’ai juste mis ce petit truc que j’ai trouvé au fond de mon armoire, lui avoué-je dans un demi-sourire.
— Ce « petit truc » comme tu dis te va à la perfection.
J’ai pourtant l’impression de ressembler à un pingouin dans ce costume gris auquel j’ai ajouté une chemise noire pour contraster avec le blazer et la cravate ton sur ton. Pour rentrer dans le « moule », ce soir, j’ai même ajouté une pince à cravate et un carré de soie blanc à la poche sur mon cœur.
— Ce style élégant et chic te va parfaitement et je te remercie de cet honneur, me lance-t-elle en me faisant un clin d’œil complice et en m’embrassant sur la joue.
Je la serre dans mes bras et lui rends son baiser. Après quelques secondes, je la repousse délicatement. Elle me regarde et me lance en tapant légèrement dans ses mains :
— Je crois qu’il est temps d’y aller.
— Puisqu’il le faut. Allez ! En route ma belle, dis-je d’un ton résigné.
Quand nous sortons de son appartement et que nous arrivons dans la rue, je constate qu’une limousine noire nous attend garée le long de la chaussée. Le chauffeur vient nous ouvrir la porte et j’aide Ambre à prendre place dans le véhicule avant de m’y engouffrer.
Plus nous approchons de notre destination, plus l’angoisse grimpe en flèche. Je n’en mène pas large et me demande bien comment ma présence va être perçue par mes parents que je n’ai pas vu depuis environ 18 ans. Notre « carrosse » s’engage enfin dans une allée, bordée de cerisiers en fleurs. Celle-ci me semble interminable et finalement, nous nous arrêtons devant le manoir de la famille Coste. Je n’ai jamais compris comment une telle maison pouvait se trouver là. Elle dénote complètement avec le style provençal des résidences alentours, et pour cause, car c’est une demeure de style flamand. Ses murs rouge brique la rendent sombre et austère. Je reste un instant immobile, toujours assis sur la banquette de l’automobile, à la contempler. C’est la main de ma petite sœur de cœur qui me tire de mes pensées. Elle me regarde en souriant et tente de me rassurer en me disant :
— Ne t’inquiète pas, Fred ! Tout va bien se passer.
— J’en doute, lui réponds-je d’une voix rendue rauque par l’émotion qui m’étreint.
Je finis par sortir de la limousine et tends la main vers Ambre pour l’inviter à me rejoindre. Nous montons la petite volée de marche jusqu’à la porte d’entrée et je fais cogner le heurtoir sur la porte en bois. Dans l’attente que l’on vienne nous ouvrir, mes craintes atteignent les sommets. Je baisse la tête en me demandant sérieusement ce que je fais là et me dis que si ce n’était pas pour la jeune femme qui se tient à mes côtés, je serais sans aucun doute affalé dans mon canapé devant la télé. Le battant de bois finit par s’ouvrir et lorsque je parviens à faire face à la personne qui nous accueille, je tombe nez à nez avec Georges, le majordome. Je peux facilement voir plusieurs émotions défiler sur son visage, celles qui se détachent le plus sont : la surprise et... la joie.
— Monsieur Frédéric, me lance-t-il ému. Quel plaisir de vous revoir après tout ce temps !
— Le plaisir est partagé, Georges. Comment allez-vous ?
Ce dernier n’a pas le temps de me répondre, car la voix forte et imposante de mon père retentit dans le vestibule.
— Pourquoi laissez-vous ces invités dehors ? lance-t-il d’un ton froid au domestique. Laissez-les entrer !
Ce dernier ouvre complètement la porte et s’efface pour nous laisser le passage. Je prends une grande inspiration et franchis le seuil, ma cousine à mon bras. Sentant mon anxiété, elle pose sa main sur la mienne et je parviens à me calmer. Cependant mon calme ne dure pas quand je rencontre le regard froid de mon père qui me scrute. Je décide de ne pas en tenir compte et m’approche de lui en lui tendant la main, tout en le saluant aussi respectueusement que possible, d’un :
— Bonsoir, père !


Extrait N°10 * Chapitre 5 (Point de vue d'Estelle)

Sa bouche reprend derechef possession de la mienne. Je ne veux pas répondre à son baiser, cependant il y met tellement de cœur que je finis par me laisser griser par l’instant. Je sais que je n’en ressortirais pas indemne, mais la seule chose qui m’importe en cette minute c’est qu’il ne s’arrête surtout pas. Vous allez certainement penser que j’ai capitulé bien trop vite, malgré cela j’ai tellement espéré un moment comme celui-ci que je suis prête à tout pour qu’il dure encore et encore.
Quand nous finissons par nous détacher l’un de l’autre, nos respirations sont erratiques et nous peinons à retrouver notre souffle. J’ai l’impression d’être en coton et titube, néanmoins Fred me rattrape par la taille et me serre dans ses bras. Je suis bien et profite de son étreinte tout en craignant que, d’un instant à l’autre il se rende compte qu’il a fait une erreur et qu’il parte en courant. Cependant, rien de tout ça ne se produit et je sens sa main remonter dans mon dos et s’arrêter dans ma nuque pour la caresser.
— Tu vas à nouveau me fuir ? le questionné-je incertaine.
— Non, j’en ai assez de lutter. Il arrivera ce qui doit arriver.
— Et si, moi, je n’en avais plus envie ?
— Je ne te croirais pas, sinon tu ne m’aurais pas laissé faire ; tu n’aurais pas répondu aussi ardemment à mon baiser.
— Tu m’as prise au dépourvu, ce n’est pas juste.
— En effet, mais sois honnête et dis-moi que ça ne t’a pas plu !
Je ne sais pas quoi lui répondre. La seule chose dont je suis sûre c’est que « oui » notre étreinte m’a plu. J’ai seulement peur que tout ça ne soit qu’un rêve. Que je vais me réveiller et réaliser que Fred s’est encore moqué de moi. Une caresse sur ma joue me fait reprendre mes esprits et mon regard se verrouille instantanément à l’homme qui fait battre mon cœur. Soudain, je réalise une chose : il a volontairement éludé ma question concernant l’identité de sa cavalière. Je ne sais toujours pas qui elle est. Je m’éloigne légèrement de lui et lui demande derechef :
— Ôte-moi d’un doute et dis-moi que la jeune fille qui t’attend à l’intérieur ne représente rien pour toi !
— Je ne peux pas te dire ça, me répond-il avec un sourire taquin.
— Tu te moques de moi, j’espère !
Il prend son temps et commence à rire doucement avant de me répondre :
— Je tiens beaucoup à elle, mais tu n’as rien à craindre d’elle.
— Non, mais je rêve...
Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase qu’il me coupe la parole pour me préciser :
— Calme-toi, Estelle ! Ambre n’est que ma cousine, ajoute-t-il complètement hilare.
Son aveu me laisse sans voix quelques secondes, cependant je reprends bien vite contenance et l’apostrophe durement :
— Tu n’aurais pas pu me le dire avant !
— Ça n’aurait rien changé et puis, c’était très drôle de voir ta jalousie faire surface.
Je mets encore un peu plus de distance entre nous et tourne les talons. À peine ai-je fait un pas qu’il me rattrape en une enjambée, me fait faire volteface et m’embrasse à nouveau en me serrant dans ses bras. Je résiste un peu pour la forme, cependant m’abandonne bien vite à ce baiser qui électrise mes sens. Nos lèvres se frôlent, s'effleurent, s'apprivoisent et guettent le moment propice pour entrer en connivence, finissent par s'entrouvrir et le bout de ma langue gourmande va le goûter d'un peu plus près... Le vertige grandit aussi vite que le désir. Nos bouches, nos corps tout entiers et nos âmes, probablement, entrent également en fusion et ces sensations nous font haleter... je suis tellement bien que je ne veux pas que ça s’arrête, néanmoins j’ai besoin de reprendre mon souffle. Je stoppe notre échange et viens poser ma tête sur sa poitrine, au niveau de son cœur que j’entends battre frénétiquement. Frédéric glisse sa main sur ma nuque où il se met à tracer des arabesques. Le moment est magique. J’ai envie qu’il dure pour l’éternité, mais la réalité nous rattrape et nous sommes sortis de notre bulle par un raclement de gorge puissant. Nous nous séparons vite l’un de l’autre comme si nous avions fait quelque chose de mal. Ne voulant pas complètement perdre le contact avec lui, je saisis sa main et la serre fort. J’ancre mon regard au sien et nous finissons par nous tourner vers la personne qui nous a dérangés. Je ne suis pas surprise de tomber presque nez à nez avec le père de mon amant. Il nous toise d’un regard glacial et s’adresse à son fils :
— Je peux savoir ce qu’il se passe ici !
Je suis soufflée par son ton agressif et ne peux m’empêcher de lui rétorquer :
— Je ne vois pas en quoi cela vous regarde, monsieur.
Soufflé par mon aplomb à le défier de la sorte, il ne riposte pas et Frédéric en profite pour enfoncer le clou :
— Ça n’était pas assez explicite pour toi ! lui répond-il provocateur.
— Comment oses-tu me parler de la sorte ? Tu es sous mon toit et tu me dois le respect, s’emporte le patriarche.
— Non, je ne te dois plus rien.
— Je vois que ces dernières années ne t’ont pas rendu plus intelligent, lui lance-t-il d’un ton venimeux.
Puis il ajoute d’un ton glacial en s’adressant à moi :
— Quant à vous Mademoiselle, je ne sais pas qui vous êtes, mais je ne tolèrerais pas votre insolence.
Je sens la main de Frédéric se crisper dans la mienne. J’ai l’impression qu’il veut me dire de ne pas relever, mais c’est plus fort que moi. Je plante mon regard le plus dur dans celui du « Maître » des lieux et lui réponds ironiquement :
— Enchantée de faire votre connaissance, Mr Coste. Ce fut un réel plaisir !
Son regard, aussi froid que la banquise, me scrute et j’ai presque l’impression de le voir écumer de rage. Il est sur le point de répliquer quand Fred intervient en ajoutant :
— Il est clair que je n’aurais jamais dû venir, ce soir. C’était une erreur, lui rétorque-t-il en s’élançant d’un pas vif vers la maison tout en m’entraînant à sa suite.
J’ai un peu de mal à le suivre, à cause de mes talons, seulement c’est le dernier de mes soucis. Je n’arrive pas à comprendre ce qu’il vient de se passer et surtout ce qu’il se passe entre ces deux-là pour qu’ils en soient arrivés à se parler avec tant d’animosité.
Nous pénétrons dans la grande salle que nous traversons aussi vite que nous le pouvons. La mère de Fred nous regarde, un air inquiet sur le visage, se demandant certainement pourquoi son fils est dans cet état-là. Elle essaye de le retenir, mais il se dégage d’elle et lui dit d’une voix dure :
— Ce n’est pas la peine, je ne resterais pas une minute de plus dans cette maison.
Je vois alors le visage de Madame Coste se décomposer et ses yeux se voiler de larmes. Elle refoule cependant bien vite ses émotions quand son mari arrive à ses côtés. Il regarde sa progéniture et lui assène froidement et visiblement fou de rage :
— Je t’interdis de parler comme ça à ta mère. Sors d’ici ! Il nous dirige vers la porte et, alors que nous nous apprêtons à sortir, nous sommes rejoints par Ambre et Hugo. La jeune fille est sur le point de demander ce qu’il se passe, mais se ravise en voyant l’état de nerf de son cousin. Le majordome arrive avec nos manteaux et nous finissons par quitter le manoir.

Extrait N°11 * Chapitre 6 (Point de vue de Frédéric)
ATTENTION ! Contenu extrait explicite

Mes pas me guident vers la fenêtre de ma chambre. Je soulève le rideau et regarde la rue qui est complètement vide. Je ne vois aucune trace de la jeune femme. Dépité, je tombe à plat dos sur mon lit. Je ne parviens plus à réfléchir clairement tellement je suis frustré. Je dois trouver un moyen de faire redescendre la pression, car ma queue bute complètement contre l’avant de mon pantalon en lui imprimant une bosse à présent bien perceptible. Je sens que ma queue commence déjà à libérer du liquide séminal, indication qu'elle est bel et bien en grande excitation. Avec efficacité, j’ouvre ma braguette afin de libérer mon sexe qui est déjà dur, puis commence à le saisir à sa base afin de lui imprimer un mouvement lent et ferme à la fois. Fermant les yeux, je me perds dans les méandres torturés de mon esprit et je ne peux m’empêcher d’imaginer les mains d’Estelle à la place des miennes.

Extrait N°12 * Chapitre 7 (Point de vue d' Estelle)

Vingt-et-un jours plus tard et quelques rendez-vous avec Fred, nous sommes au cabinet et ses lèvres sont soudées aux miennes dans un baiser enivrant. Je suis complètement déconnectée et concentrée sur nos bouches qui bougent à l’unisson. Je suis un peu mal à l’aise. Je n’ai pas envie qu’Antoine nous surprenne même si je sais que ça ne le dérangerait pas de nous voir ensemble, mais nous sommes sur mon lieu de travail. C’est donc à contre cœur que je mets fin à notre baiser. Frédéric m’interroge du regard du regard et je réponds à sa question muette en chuchotant :
— Stop, nous ne sommes pas seuls. Antoine est dans son bureau.
— Et alors ! Je m’en fiche, j’en ai trop envie, réplique-t-il un grand sourire plaqué sur son visage.
— Il pourrait nous surprendre.
— Uniquement si tu arrêtes de m’embrasser et que tu continues de parler, me répond-il d’un ton taquin.
— Crét...
Je ne peux terminer ma phrase, car je suis arrêtée derechef par sa bouche qui prend possession de la mienne. Grisée par le mouvement de ses lèvres, je me laisse porter en oubliant où nous sommes. Je glisse mes doigts derrière sa nuque et attrape ses cheveux que je serre jusqu’à l’en faire grogner de plaisir. Une sensation de volupté s’empare de moi, mais je redescends vite sur terre quand j’entends un raclement de gorge près de nous. Je me détache prestement de Frédéric. Nous nous éloignons l’un de l’autre, à bout de souffle et lorsque je tourne ma tête vers la gauche, je perçois le regard mi surpris mi amusé de mon patron. Je baisse la tête en rougissant, légèrement honteuse et mal à l’aise d’avoir été prise sur le fait. L’avocat nous observe tour à tour sans rien dire puis retourne dans son bureau tout en laissant la porte ouverte.
Fred se rapproche de moi, prends mes mains dans les siennes et me dit, en me regardant droit dans les yeux :
— Ne t’en fais pas, tout va bien.
Devant mon regard dubitatif, il rajoute :
— Crois-moi, tu n’as rien à craindre. Il avait l’air plutôt amusé par la situation, me dit-il en souriant.
Je ne sais pas quoi lui répondre, mais ce que je peux dire c’est que je vais avoir du mal à regarder Maître de Filippi dans les yeux maintenant. Franchement, qu’est-ce qui m’a pris de donner libre cours à mes sentiments ? Je n’aurais pas dû le faire même si, paradoxalement, je voudrais m’abandonner encore à ses lèvres et à ses bras. Il faut dire que quand Fred m’embrasse, je me sens tellement bien que j’oublie tout. Je sens une caresse sur ma joue qui me reconnecte à la réalité et qui me fait frissonner. Je plonge mon regard dans celui de l’homme qui me fait face.
— Arrête de te torturer l’esprit, me dit-il en se rapprochant de moi et en m’embrassant furtivement sur les lèvres. Je t’assure que tu t’en fais pour rien.
Il s’éloigne de moi pour aller rejoindre son meilleur ami, mais se retourne avant de refermer le battant de bois sur lui.
— Oh, j’ai oublié de te dire. Ne prévois rien pour ce midi, je t’invite à déjeuner.
Je n’ai pas le temps de répliquer que la porte du bureau est déjà fermée. Je me dirige alors vers mon poste de travail et m’y installe tout en me demandant ce qu’ils peuvent bien se raconter.
Vingt minutes plus tard et quelques questions sans réponse, mon obsession sort de la pièce. Il vient vers moi, dépose un baiser dérobé sur ma bouche et s’en va non sans me faire un clin d’œil tout en me rappelant notre rendez-vous de ce midi. Je me sens rougir en repensant à ce qu’il s’est passé plus tôt. Comment ai-je pu laisser ça arriver alors que e savais pertinemment que l’on pouvait nous surprendre ? Mon malaise grandit rien qu’en pensant à Antoine et je me demande bien ce qu’il doit penser de tout cela. Non, mais quelle idiote !
Je suis tirée de mes pensées par la sonnerie du téléphone. Je décroche et me présente à mon interlocuteur, mais ma formule est accueillie par un grand silence. Je m’apprête à répéter ma phrase quand un souffle rauque se fait entendre. Mon sang se glace dans mes veines et le sourire que j’affichais jusque-là s’efface pour laisser place à une peur sans nom. Je prends une grande inspiration malgré ma peur manifeste et lance d’une voix que je veux le plus sûre possible – même si j’échoue lamentablement :
— Qui que vous soyez, arrêtez votre petit manège ! Vous ne me faites pas peur !
Un rire sardonique accueille ma réponse et je sens clairement que la personne à l’autre bout de la ligne ne croit un seul de mes mots. Un frisson glacé me parcours l’échine et ne va qu’en s’amplifiant quand je perçois la mélodie qu’il se met à fredonner. Je connais cet air, mais je suis incapable d’en retrouver le nom exact. Mon trouble se transforme en panique quand j’entends les paroles retentir :

« 1, 2, 3
Prépare-toi pour moi
4, 5, 6
Je viens te chercher
7, 8, 9
Tu seras à moi
10, 11, 12
Pour l’éternité »

Un sanglot m’échappe et un rire dément résonne à mes oreilles avant que la communication ne soit brusquement coupée.

Extrait N°13 * Chapitre 7 (Point de vue d'Estelle)

Je ne saurais dire pendant combien de temps j’ai pleuré, mais quand je parviens enfin à reprendre tant bien que mal une respiration normale, je m’aperçois que nous sommes dans ma chambre. Frédéric est assis contre la tête de lit et je suis blottie contre son torse. Il resserre la pression de son enlacement et, même si c’est avec un plaisir non feint que je m’y laisse aller, j’évite soigneusement de lever ma tête pour le regarder. Je ne me sens pas la force de faire face à son regard.
— Alors, me dit-il. On peut rester comme ça toute la nuit, voire même s’endormir, moi te tenant dans mes bras et toi qui reste silencieuse ; ou bien tu choisis de me dire ce qui t’arrive. Tout dépend de toi. Il n’y a que toi qui peux décider. Tu as toutes les cartes en mains, mais saches que je suis là et tout disposé à écouter.
Son petit discours me touche, mais même si j’ai envie de me confier, je ne sais pas comment m’y prendre, ni par où commencer. Je renifle, peu élégamment, et enfouis derechef ma tête contre sa poitrine. Soudain, il se lève et m’abandonne sur le lit. Je me demande bien ce qu’il est allé faire, mais je n’ai pas le temps de me poser plus de question qu’il revient dans la chambre. Un sourire se dessine sur mes lèvres quand je vois ce qu’il tient dans ses mains : un pot de glace Häagen-Dazs au caramel au beurre salé, mon péché mignon.
Je ne dis toujours rien et le regarde s’avancer vers moi. Il pose le tout sur la table de chevet, se réinstalle sur le lit – en m’enlaçant dans le processus. Une fois confortablement installé, il tend le bras et attrape le pot de crème glacée ainsi que la cuillère. Il ouvre le récipient, plonge la cuillère dedans et la dirige ensuite vers ma bouche que j’ouvre sans me faire prier. Il répète le même geste plusieurs fois et, à chaque fois que je lèche la cuillère, je peux voir ses yeux se voiler de désir. L’instant que nous partageons est d’une rare intensité et je sens l’air ambiant se charger d’électricité. Je ferme les yeux pour reprendre un peu de contrôle quand il prend la parole et qu’il me demande d’une voix douce :
— Estelle, dis-moi... pourquoi pleurais-tu ?
En quelques mots il a réussi, sans s’en rendre vraiment compte, à briser la magie du moment. Je suis parcourue d’un frisson et pousse un profond soupir, mais ne lui réponds toujours pas. Comment puis-je lui expliquer ce que je refuse de croire ? Devant mon mutisme, il se débarrasse de la glace et entrelace ses doigts froids aux miens. Il se met à caresser mes phalanges avec son pouce et me dit :
— Je vois bien que quelque chose te bouleverse. Pourquoi refuses-tu de m’en parler ? Je pourrais peut-être t’aider.
Je sais qu’il a raison et qu’il est peut-être même le seul à pouvoir m’aider, mais c’est trop dur. Les mots restent coincés dans ma gorge. Je sens une nouvelle vague de panique remonter dans ma poitrine qui se fait douloureuse et inspire profondément afin de faire passer ce sentiment désagréable. Cependant je ne peux retenir un gémissement déchirant.
Il prend alors mon menton avec ses doigts et plonge son regard dans le mien avant de dire :
— Je ne te forcerais pas à parler si tu ne le veux pas. Je vais rester là, te serrer dans mes bras et veiller sur toi cette nuit. Je te promets que quoi qu’il se passe, je ferais tout pour t’aider. Tu me parleras quand tu seras prête. Je n’essayerais plus de te tirer les vers du nez. Promis !
Fred me rapproche encore plus près de lui et dépose un léger baiser sur mes lèvres avant de poser une main sur ma tête et de la coller à nouveau sur son torse. Je me laisser couler dans le confort de son étreinte et m’apaise peu à peu avant de finir par m’endormir d’épuisement.


Extrait N°14 * Interchapitre (Point de vue de G.S.)
*Écouter cette musique pour lire l'extrait*

N’avez-vous jamais eu une pensée qui occupe votre esprit, draine votre énergie au point qu’elle vous rende impuissant et incapable de vous en débarrasser ?
Dans mon cas, elle est si bien ancrée au fond de moi, qu’elle éclipse tout et m’empêche de me concentrer. Ça me réveille quand les ténèbres sont au plus noires. Je ne pense qu’à ça et je peine à me rendormir. Elle m’obnubile jour et nuit. Je suis complètement obsédé si bien qu’il m’est totalement impossible de raisonner clairement. Mais en ai-je vraiment envie ?
Et si je vous disais que cette pensée n’en est pas vraiment une, mais que depuis le départ je vous parle d’une femme.
Elle me perturbe à un tel point que ça me tue. Il me la faut. Je l’ai dans la peau, dans toutes les fibres de mon corps. Elle s’est infiltrée en moi comme un boa qui s’enroule autour de sa victime. Elle me fait perdre la raison et je vais tout faire pour qu’elle m’appartienne enfin corps et âme. Elle hante mes plus sombres désirs. Je suis attiré par elle et j’ai l’impression d’être un aimant qui ne peut pas résister au magnétisme qu’elle exerce sur moi.
Je sens que je vais devoir accélérer les choses pour qu’elle devienne mienne.
***** !
Prépare-toi !
J’arrive bientôt !


Extrait N°15 * Chapitre 8 (Point de vue de Frédéric)

[...] C’est avec insouciance et en rigolant que nous arrivons chez Estelle. Nos doigts sont entrelacés. Sans raison, je sens sa poigne se resserrer et elle se met à trembler. Je ne comprends pas ce qu’il se passe. Elle se fige et fixe la porte de son appartement. Je saisis alors ce qu’il se passe quand, à mon tour, je remarque une boîte, en forme de petit cercueil noir, posée sur son paillasson.

Extrait N°16 * Chapitre 9 (Point de vue d'Estelle)

Je me mets à trembler et lâche tout. Je prends conscience, au bout de quelques secondes et au moment où Fred me prend dans ses bras, que je suis en train de hurler. Tandis qu’il essaye de me calmer en me disant des paroles apaisant à mon oreille, je deviens complètement hystérique. Je le repousse et me mets à crier :
— Qu’est-ce qu’il me veut à la fin ? Il ne peut pas m’oublier. Je n’ai rien fait pour mériter ça !
Je suis tellement agitée que je ne parviens plus à réfléchir correctement. Je marche de long en large dans la pièce sans me préoccuper de mon amant qui me regarde en cherchant à comprendre de quoi il retourne. Dans un accès de rage, je fais volteface et me dirige d’un pas décidé vers la table où repose le cercueil en carton et l’envoie valdinguer par terre. Le tout s’écrase au sol et, sous le choc, un boîtier en plastique s’ouvre et un CD s’en échappe. Je le regarde tourner sur lui-même jusqu’à ce qu’il s’immobilise. Je n’ai pas vraiment envie de savoir ce qu’il y a dessus, mais la curiosité est plus forte que ma raison. Je m’en empare et, alors que je me dirige vers ma chaine hifi, je sens la poigne de Frédéric qui me retient.
— Tu ne devrais pas, me déconseille-t-il d’une voix douce. Tu vas te faire du mal pour rien.


*Écouter cette musique pour lire la suite de l'extrait*


Je sais qu’il a raison, mais c’est plus fort que moi. Je glisse la galette de plastique dans le chargeur et appuie sur lecture. C’est alors que retentissent les notes de la berceuse « Twinkle Twinkle Little Star », seulement ce n’est pas une version classique. Celle-ci fait froid dans le dos. La voix de la personne qui chante et carrément flippante, tout comme le fond sonore qui fait penser au vent qui souffle dans les branches par une nuit froide d’hiver. Je sens mon sang se glacer dans mes veines. J’ai beau être complètement terrorisée, je ne peux pas m’empêcher d’écouter et je reste prostrée comme hypnotisée par la musique qui se répète à l’infini.

Extrait N°17 * Chapitre 9 (Point de vue d'Estelle)

Je suis tirée de mon sommeil par des bruits de portes qui claquent dans la cuisine. Mais qui est en train de s'acharner sur ces pauvres meubles ? Je regarde autour de moi en émergeant difficilement. Une douleur atroce me vrille les tempes. Je me sens si lasse. Je me lève avec peine tant mes jambes sont engourdies. Mes pas prudents me mènent à la source du tintamarre qui n'a toujours pas cessé. Je pousse le battant et tombe sur mon détective qui s’agite dans tous les sens, visiblement à l’affut d’un ustensile qui joue à cache-cache. Je souris tout en avançant vers lui sans faire de bruit. Je suis touchée qu’il se démène pour nous préparer à manger. Jamais un homme n’avais fait ça pour moi. J’inspire la bonne odeur qui se dégage des casseroles avant de venir me poster juste derrière lui, passer mes bras autour de sa taille et lui demander :
— Que cherches-tu avec tant d’acharnement ?
Un léger sursaut accueille ma question. Il pivote pour me faire face et son regard surpris et rieur m’accueille, cependant ce dernier se teinte soudain d’inquiétude. Pourquoi a-t-il l’air si préoccupé tout à coup ? Je décide de ne pas m’en soucier pour le moment et de le taquiner un peu.
— Tu veux qu’on appelle Watson pour t’aider ?
— Mmmhhh... Très drôle Melle Beaumond, me répond-il en m’embrassant sur le front.
— Très bien ! Je vais chercher ma loupe et peut-être qu’on finira par trouver ce que tu cherches avec frénésie depuis tout à l’heure.
Mes lèvres s’étirent en un fin sourire et je fais semblant de vouloir partir, mais il me retient fermement, se penche vers moi en murmurant quelque chose que je ne comprends pas avant que sa bouche ne s’écrase sur la mienne.


Extrait N°18 * Chapitre 9 (Point de vue d' Estelle)

Le dîner ? Oublié ! Il peut bien attendre. J’ai plus important à faire à ce moment précis. Alors que mes pensées voguent invariablement vers le secret que je lui cache. J'appréhende le moment où je vais devoir parler des bouquets, des petits messages et des coups de téléphone que je reçois depuis quelques semaines. Je n'ai pas envie de briser la bulle de sérénité que nous venons de créer, mais pourtant il va bien falloir que je me déleste de ce poids qui m’oppresse depuis trop longtemps. Je prends une grande inspiration, me détache finalement de lui et me dirige vers la table basse. J’en ouvre le tiroir et m’empare de la boîte qui s’y trouve. Je me relève, mais reste de dos. Je n’arrive pas à lui faire face. Plein de questions se bousculent dans ma tête, cependant la seule qui occupe tout mon esprit est de savoir ce qu’il va penser du fait que je lui ai menti ? Enfin, menti est un bien grand mot, disons que je ne voulais pas l’impliquer dans toute cette histoire, mais le colis que j’ai reçu ce soir a fini par me convaincre que je ne pouvais pas m’en sortir toute seule. Il me faut de l’aide et je sais qu’il est le seul qui puisse m’aider à démêler cette sordide histoire.
Perdue dans mes réflexions je n’ai pas entendu Frédéric se déplacer, mais tout à coup je sens sa présence derrière moi et je sursaute quand j’entends sa voix au creux de mon oreille :
— Tout va bien, Estelle ?
Je sens de l’inquiétude dans sa voix et me retourne. Mon regard vient immédiatement se verrouiller au sien. Ce dernier reflète la même chose que son ton. Je décide de ne pas faire durer plus ce suspense qui a déjà rendu l’atmosphère ambiante très tendue. Je me retourne et lui tends la boîte en lui disant :
— J’espère que tu ne m’en voudras pas de t’avoir fait des cachoteries.


Extrait N°19 * Inter-Chapitre (Point de vue de G. S.)

[...] Elle a l’air si heureux et insouciant. Soudain je vois son visage se crisper et ses yeux se remplir de terreur et de larmes. Je jubile, car je sais qu’elle vient de remarquer mon cadeau. Je me délecte de la peur que je lui inspire. Je la sens dans l’air et la laisse venir à moi pour s’infiltrer au plus profond de ma peau et de mon âme, comme un serpent qui ondule. C’est tellement jouissif !
Un sourire sardonique s’étire sur mes lèvres. Je les regarde prendre mille précautions pour prendre le colis qui repose sur le paillasson. J’ai bien envie de rire à gorge déployée tant leur prudence est inutile. Qu’est-ce qu’ils croient ? Que j’ai pu laisser mes empreintes ? Oh non ! Je suis trop intelligent pour me laisser avoir aussi facilement. Ils ne trouveront jamais aucun élément pour remonter jusqu’à moi. Je suis trop intelligent pour ça. [...]

[...] Je viens de prendre ma décision. Je ne peux plus attendre. Il me la faut coûte que coûte. Bientôt, elle sera à moi ! Rien qu’à moi ! [...]


Extrait N°20 * Chapitre 10 (Point de vue de Frédéric)

Quand je prends Estelle dans mes bras et que je l’embrasse tendrement sur le front, elle ne peut retenir un léger frisson. À la façon dont elle resserre son étreinte autour de ma taille, je ne sais pas si c’est une réaction due à notre proximité ou si c’est en corrélation avec l’affaire qui nous préoccupe. Cependant, je suis rapidement fixé quand ses mains froides viennent se glisser sous mon t-shirt. Dois-je vraiment la laisser continuer ? J’en ai terriblement envie, mais est-elle est trop vulnérable. Je n’ai pas envie qu’elle pense que je veux profiter d’elle et de son état émotionnel. Seulement, cette petite diablesse en a visiblement décidé autrement. Je sens sa main de venir baladeuse et descendre sur le devant de mon jean et caresser mon sexe d’un mouvement lent. Je dois résister, car elle est vraiment trop vulnérable. Ce n’est pas une bonne idée que nous fassions l’amour ce soir, même si j’en ai terriblement envie. J’attrape sa main qui me torture et la repousse gentiment. Je l’éloigne ensuite de moi et posant mes deux mains sur ses épaule et essaye de reprendre une respiration moins erratique avant de m’adresser à elle en la regardant droit dans ses yeux qui se gorgent déjà de larmes.
— Ma chérie, ce n'est pas une bonne idée. Certes je ne suis pas indifférent à tes caresses, comme tu peux le constater, mais tu ne veux pas ça pour les bonnes raisons.
Elle ferme les yeux en poussant un long soupir et une larme solitaire vient rouler le long de sa pommette. Je soulève une de mes mains et vient essuyer la perle d’eau salée qui continue sa route. Je l’intercepte du bout de mon index avant de venir prendre sa joue en coupe. Elle se coule dans mon geste de tendresse, non sans réprimer un nouveau sanglot silencieux. Je ne sais pas comment lui faire comprendre que mon refus n’a rien à voir avec le fait que je n’ai pas envie d’elle. Soyons honnête, vu la réaction que ma queue a eue quand elle l’a enserrée, elle a bien compris que j’en avais envie. Je sors de mes réflexions quand je la sens remuer. Elle essaye de rompre le contact, mais je l’en empêche d’un geste vif en passant derechef mes bras autour de sa taille.
— Lâche-moi ! me supplie-t-elle en se débattant.
— Non ! lui réponds-je en l’attirant encore plus près de moi, si tant est que ce soit possible.
Elle se laisse finalement faire, mais reste néanmoins aussi tendue qu’un arc. J’ai bien l’impression qu’elle va me le faire payer. D’un autre côté, si j’avais cédé à notre pulsion commune, je ne peux m’empêcher de penser que nous aurions fait une grosse erreur. Je glisse alors mes doigts jusqu’aux siens pour les entrelacer. Elle ne peut, maintenant, plus se défaire de ma poigne et je la guide donc vers sa chambre. La fin de journée a été plutôt forte en émotions et nous avons besoin de dormir.
Quand je la lâche, elle reste plantée au milieu de sa chambre sans bouger, son regard perdu dans le vide. Je prends alors l’initiative de la déshabiller avant d’aller prendre une nuisette dans le tiroir de sa commode. Elle n’esquisse aucun mouvement pour m’aider et j’ai presque l’impression d’avoir un robot face à moi. J’enlève à mon tour mes vêtements, mais garde quand même mon t-shirt et mon boxer. Je nous fais avancer vers le lit sur lequel elle se laisse tomber en position assise. Lorsque je m’assois, elle me tourne le dos, rampe sur le lit et va s’enfouir sous la couette en me tournant le dos. Je viens alors me positionner derrière elle, la colle contre moi et viens entourer possessivement sa taille de mon bras. Elle ne réagit pas, mais je perçois assez rapidement sa respiration s’apaiser, son corps se détendre pour finalement s’endormir. Je la rejoins quelques minutes plus tard dans les bras de Morphée.

Extrait N°21 * Chapitre 11 (Point de vue d'Estelle)

Les jours, puis les semaines qui passent ne font qu’ajouter à mon angoisse. Frédéric et Antoine ont décidé de prévenir la police, mais comme nous nous y attendions tous les trois, ils n’ont trouvé aucune empreinte. Absolument aucun indice qui puisse permettre de mettre un nom sur le maniaque qui me traque.
Mon détective me surprotège. Je sais qu’il fait cela pour moi et parce qu’il a peur, mais je n’en peux plus. Par moment, j’ai la sensation d’étouffer et cela nous vaut quelques disputes. Certes, elles sont tuées dans l’œuf assez rapidement, cependant je dois lui faire savoir que toute cette attention me pèse. Toutes mes sorties sont contrôlées et il me semble parfois d’être en présence d’un garde du corps plutôt que de l’homme que j’aime.
Ce jour-là, inévitablement, alors que nous venons à peine de rentrer, je lance les hostilités.
— Fred, je n’en peux plus. C’est trop pour moi. Je ne supporte plus tout ça. Tu m’étouffes.
Il pousse, comme à chaque fois, un long soupir. Il se pince l’arête du nez entre son pouce et son index avant de baisser la tête. Quand il relève son regard vers moi et qu’il me fixe, je constate sa lassitude.
— Je sais ma chérie, mais c’est pour ton bien et ta sécurité.
— Parlons-en de ma sécurité. J’ai plus l’impression d’être en présence d’un garde du corps que toi. Ça fait des semaines que tu repousses toutes mes avances. Je ne te comprends pas.
Il m’observe sans rien dire. Je vois presque les rouages de son cerveau tourner à plein régime afin de trouver une réponse adéquate à mes reproches.
— Tu es injuste. Tu sais très bien que je fais ça pour te pro...
Je lui coupe la parole. Je ne peux tout simplement pas le laisser dire ça.
— Injuste ? Vraiment ? Non, je ne crois pas. La seule personne déraisonnable ici, c’est toi ! Tu sais que j’ai raison, n’est-ce pas ? finis-je la voix tremblante.
— Non, tu as tort. Je tiens plus que tout à toi et s’il t’arrivait quelque chose et que je n’ai rien pu faire pour l’empêcher, je m’en voudrais. Cela signifierait que j’ai échoué dans ma mission.
— Mais je ne suis pas une PUTAIN de mission, c’est ça que tu n’as pas l’air de comprendre, lui lancé-je à bout de nerfs.
Il comble alors l’espace entre nous, prend mon visage en coupe entre ses mains.
— Tu n’as pas encore compris que je fais tout ça parce que je t’aime, me lance-t-il d’un ton vif et visiblement il n’a pas réfléchit à l’impact de ses paroles, car à peine prononcées, il s’arrête dans sa déclaration.
Qu’est-ce qu’il vient juste de dire ? Je n’y crois pas. Il ose me balancer ça comme ça, alors que nous sommes en pleine dispute.
— Quel timing parfait, Mr Coste ! lui lancé-je ironiquement.
Même si le moment choisit pour me faire cette déclaration n’est pas des plus opportuns, cela me touche quand même. Je décide cependant de ne pas le lui montrer. Il me scrute attentivement s’attendant certainement que je poursuive dans ma lancée, mais je me tais pour ajouter un peu plus de tension à son supplice. Je suis curieuse de voir comment il va faire pour se sortir de cette situation qu’il vient de créer.
Ses doigts glissent sur ma joue dans une tendre caresse. Je le laisse faire sans réagir. Ses bras viennent alors entourer ma taille et il me colle à lui. Son étreinte est apaisante et je commence à me calmer lentement. Il m’embrasse tendrement sur la tempe et colle ensuite sa bouche à mon oreille pour me murmurer :
— Je sais que l’instant était mal choisit pour te dévoiler mes sentiments, mais je n’ai fait que dire la vérité. Oui, je t’aime et j’assume complètement. Je vais même t’avouer que je ne peux plus me passer de toi. Tu tiens une place tellement importante dans ma vie que je ne supporterais pas de te perdre.
Je me jette sur ses lèvres en l’embrassant fougueusement tout en lui soufflant un « je t’aime » à mon tour. Je ne sais pas pourquoi, mais des larmes s’échappent alors de mes yeux et ne semblent pas vouloir s’arrêter. Ma respiration se fait plus courte et soudain je manque d’air. Je détache mes lèvres des siennes, et lui dit dans un souffle saccadé :
— J’ai besoin de toi, de ta peau, de tes caresses, de tes baisers. Tu me manques. Je t’en supplie, ne me repousse pas, je ne le supporterais pas.


Extrait N°22 * Chapitre 12 (Point de vue de Frédéric)

[...] Je suis dans un état second et parler et au-dessus de mes forces. Je crois bien qu’inconsciemment je me réserve pour la confrontation avec mon paternel. Antoine prends alors les choses en mains et demande à l’officier de garde si nous pouvons rencontrer le commissaire divisionnaire Coste. Il refuse tout net en nous disant qu’on ne peut pas le déranger, car il est très occupé. Obligé de sortir de mon mutisme face à ce subalterne qui ne semble pas comprendre que c’est de la plus haute importance, je sors littéralement de mes gonds et lui hurle :
— J’exige de le voir immédiatement.
— Il en est hors de question. Je ne...
— Stop ! Je ne voudrais pas vous manquer de respect, mais c’est urgent. Je dois le voir. Décrochez votre téléphone et dites-lui que Frédéric Coste veut le rencontrer.
À l’annonce de mon nom, le gradé me dévisage et je pourrais jurer que le sang est en train de déserter son visage, car il devient subitement aussi blanc que les murs qui nous entourent. Si je n’étais pas si tendu et angoissé, la situation en serait presque risible. Une fois la surprise passée, il se saisit enfin du combiné et j’entends la voix forte et imposante de mon père résonner sur un « Quoi ? » légèrement irrité. J’ai une illumination subite et fait signe à l’homme devant moi. Il couvre alors le combiné de sa main et je lui demande :
— Ne lui dites pas que c’est moi, lancé-je d’un ton légèrement implorant, sinon il ne viendra pas.
— C’est bien gentil, mais je lui dis quoi moi ? Et puis, décidez-vous, parce que la patience n’est vraiment pas le for du commissaire.
À ce moment-là, Antoine prend la parole et me sauve la mise :
— Dites-lui que Me De Filippi souhaite le rencontrer.
Le planton de service répond finalement à mon paternel et je l’entends rugir un « J’arrive ! » d’un ton sec.
À son arrivé, il m’aperçoit et se rend finalement compte qu’il s’est fait avoir. Il lance un regard meurtrier à son subalterne. Ce dernier se tasse derrière son guichet. Je suis sincèrement désolé pour lui, car je sais que dès que nous serons sortis d’ici, il se fera sérieusement sermonner. Cependant je n’ai pas vraiment le temps de m’appesantir sur son sort. Je dois parler à mon père. Je m’apprête à entamer la conversation quand il me devance en me lançant :
— Tiens ! Tiens ! Le retour du fils prodigue…
Je sens toute l’ironie dans sa phrase. Son ton est acide. Je sens que cette confrontation va être difficile. Je prends sur moi parce que je sais que si je rentre dans son petit jeu, rien de bon ne ressortira de tout ça et puis « retrouver Estelle » est ma priorité. [...]


Extrait N°23 * Chapitre 15 (Point de vue d'Estelle)

Le grincement de la porte métallique me tire de mes pensées. Il entre dans la pièce d’un pas nonchalant sans me prêter attention, tout en laissant le battant grand ouvert, m’offrant une chance de pouvoir m’échapper. Je le vois alors faire les cent pas et il me semble préoccupé. Je le laisse à ses réflexions et bouge doucement pour venir m’asseoir au bord du matelas.
— N’y pense même pas ! me lance-t-il, tout en continuant de marcher de long en large.
Sa voix autoritaire me coupe dans mon élan. Je me réfugie contre le mur, remonte mes genoux devant ma poitrine et les entoure de mes bras.
Comment a-t-il fait pour deviner ce que je voulais faire ? Je n’ai pas le temps de me questionner plus longtemps, qu’il fait brusquement volte-face et se dirige vers moi à grandes enjambées. Je me colle le plus possible au mur, mais suis stoppée dans ma tentative par ses doigts qui viennent attraper mes cheveux. Il les tire en arrière, me faisant grimacer de douleur. Il fixe son regard dans le mien et me dit :
— Quand vas-tu arrêter de me provoquer ? Te souviens-tu de ce que je t’ai dit la dernière fois ?
Je hoche la tête difficilement sans pouvoir empêcher mes larmes de couler. Je n’y peux rien. C’est plus fort que moi. Il me fait tellement peur. Je vois alors son visage se transformer en un masque de fureur, avant qu’il ne me hurle :
— Arrête de pleurer ! Tu vas finir par me rendre dingue.
— Parce que ce n’est pas déjà le cas, lui réponds-je sur le même ton.
Mon acte de bravoure, voire de stupidité le laisse interdit quelques secondes. Qu’est-ce qui m’a pris de le provoquer ? Quand je vois ses yeux devenir noir de colère, je comprends alors que je vais le regretter amèrement. Sa main droite délaisse ma chevelure tandis que la gauche agrippe mon cou. Sa poigne m’étrangle et j’ai du mal à respirer.
— Pourquoi… ne… m’écoutes-tu… pas… quand… je… te… parle ? lâche-t-il d’une voix hachée et qui transpire la rage qu’il ne parvient plus à contenir.
Il me relâche en me repoussant violemment contre le mur où mon crâne vient cogner dans un bruit sourd. La douleur est insoutenable et c’est au prix d’un effort surhumain que je parviens à ne pas crier ni pleurer.
J’esquisse un regard dans sa direction et aperçois un sourire perfide se dessiner sur ses lèvres alors qu’il est en train de sortir son portable de sa poche. Il le manipule quelques instants avant de me le jeter au visage en éclatant de rire. Je n’ose pas regarder, mais devant son air enragé je me saisis du téléphone. Mon cœur bat la chamade. J’appréhende ce que je vais découvrir. Je tourne alors l’écran vers moi et tombe en arrêt devant une photo. J’ai du mal à assimiler ce que je vois, ***. [...] Je prends soudainement conscience de toute l’horreur de ce que j’ai sous les yeux : ***.
Lorsque je lève mon regard embué de larmes, le psychopathe est près de moi. Il se penche à mon oreille et me chuchote :
— Voilà ce qu’il en coûte de me défier. Dorénavant tu y réfléchiras à deux fois avant de me faire sortir de mes gonds. Il se met debout, récupère son mobile et sort de ma prison sous mes hurlements hystériques que je n’arrive pas à retenir.

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